Le boom urbain de Colombes.
Extrait de L’Héritage (Albert Mourlan, 1935).
Émergence d'un territoire, la banlieue
Au lendemain de la guerre de 1914-18, les anciennes fortifications de Paris, érigées 80 ans plus tôt pour la défense de la capitale, sont arasées. Elles laissent entre Paris et sa banlieue une longue bande de terrain vague, plantée de taudis : la zone. La banlieue c’est encore rapidement la campagne, avec ses villas bourgeoises, ses pavillons, ses bicoques et ses terres agricoles dont les bords de Seine et de Marne sont les lieux de villégiature et de guinguette des citadins.
Mais le paysage de la banlieue parisienne, en ce début de XXème siècle, est surtout marqué par le développement accéléré de l’industrie et de ses nouveaux « champions » : automobile, aéronautique, électricité… Les cheminées d’usines se multiplient à l’horizon du ciel de Paris et attirent une population nombreuse en quête d’embauche : parisiens exclus par la cherté des loyers, immigrés provinciaux et étrangers fuyant la pauvreté… Cet essor industriel et démographique de la ceinture parisienne entraîne une forte crise de croissance urbaine car ce n’est plus Paris qui grandit, mais sa banlieue qui grossit !
L’implantation d’un nouveau parti, le Parti communiste
Par la concentration d’ouvriers qui y logent et qui y travaillent, la banlieue constitue un enjeu majeur pour les partis affiliés au mouvement ouvrier. Dès sa création en 1920, le Parti communiste, section française de l'internationale communiste, cherche à mobiliser cette population durement exploitée. Dans un premier temps, ce sont les ouvriers les plus qualifiés, à l’instar des « métallos », qui constituent son noyau dur militant, car ils possèdent déjà, avec leur métier, une tradition de lutte et de syndicalisme, que ne possède pas la masse des ouvriers recrutés en usine.
C’est de cette « élite » ouvrière que sont issus la plupart des candidats communistes aux élections municipales. Ils se rendent populaires en prenant la défense des mal lotis en banlieue, puis en activant la solidarité en faveur des ouvriers frappés par le chômage après la crise de 1929. Ils prônent une politique « au service des masses laborieuses » avec la création de biens publics, de services et d’équipements collectifs : logements, dispensaires, bains douches, écoles, transports, stades…
L’architecture moderniste des premières réalisations fait la fierté des municipalités rouges qui proclament que l’avenir leur appartient. Pour cela même, l’enfance est leur priorité, et les colonies de vacances demeurent aujourd’hui leur réalisation la plus emblématique.
La gestion municipale communiste vantée par le maire de Villejuif. Extrait de La vie d’un homme, Paul Vaillant-Couturier (Jean-Paul Le Chanois, 1937-45)
Les municipalités de la banlieue rouge soutiennent les grèves du Front populaire. Photogramme de « Grèves d’occupation » (Collectif Ciné-Liberté, 1936) |
L'avènement de la banlieue rouge
Le Parti communiste s’enracine en banlieue ouvrière en conjuguant le pouvoir municipal, la capacité d’encadrement de son appareil militant et celle de son réseau associatif impliqué dans toutes les dimensions de la vie sociale : logement et travail aussi bien que sports et loisirs… C’est ainsi que se constituent autour des mairies des « communautés ouvrières structurées à la fois par un projet politique révolutionnaire, par un fort enracinement local et par l’épanouissement des sociabilités populaires »1, une identité originale que l’historienne Annie Fourcaut a qualifié de « patriotisme de clocher à base de classe »2.
Les élections municipales de 1935 marquent le premier succès du Front Populaire. La progression du PC est particulièrement forte en banlieue parisienne. Les nombreuses usines qui y sont implantées participent un an plus tard au mouvement de grève qui suit la victoire des législatives de juin 1936.
À la veille de la seconde guerre mondiale, l’échelon communal s’est affirmé comme une base de conquête et d’implantation pour le Parti communiste. Celui-ci est devenu un parti « de masse » tandis que se concrétise ce qui n’était jusqu’alors qu’un slogan : la ceinture rouge de Paris.
1. Annie Fourcaut, Leçon 4 - Banlieue rouge, l'apogée d'une culture ouvrière (1930-1980), e-cours de l’université ouverte des humanités (UOH), Université Panthéon-Sorbonne-Paris 1, 5 décembre 2012
2. Annie Fourcaut, Bobigny, banlieue rouge, Paris, Presses de la fondation nationale des sciences politiques, Les Editions Ouvrières, 1986, p. 22