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1er mai 1936
Rares images du rassemblement du 1er mai 1936 à la clairière de Reuilly (1er mai 1936 ; anonyme, 1936)

L’irruption tardive des films consacrés au Premier mai

L’imposant corpus des films de Front populaire conservé par Ciné-Archives ne contient que quelques très brèves images mal identifiées de Premier mai (sans doute la clairière de Reuilly en 1936)1. Cette absence peut d’autant plus étonner que la plupart des manifestations du rassemblement populaire ont été filmées. Que les Premiers mai 1937 et 1938 demeurent le monopole de la CGT et fassent une place privilégiée aux marqueurs de classe, à ce titre distincts des autres manifestations, peut l’expliquer. Les collectifs qui réalisent alors les films privilégient les expressions inédites de la culture de Front populaire ; Front populaire qui s’affirme alors pour un mythe de substitution. Cette absence de traces filmées s’explique peut-être aussi  par des films perdus : ainsi, dans des entretiens entre d’anciens membres de Ciné-Liberté2, ceux-ci évoquent les Premier mai comme un motif récurrent dans les tournages, au même titre que la fête de l’Huma, le 14 juillet et la Montée au Mur des fédérés. Les cortèges de la Libération, dont on a dit plus haut le caractère inédit et la force démonstrative, sont en revanche assez nombreux. Les opérateurs, pour certains anonymes, se focalisent sur l’inédit : chars, présence des dirigeants politiques, port du muguet. Les plans appuyés sur Maurice Thorez laissent à penser qu’ils s’inscrivent dans la mouvance communiste. Le film sur le 1er mai 1951 porte une attention soulignée aux revendications des peuples coloniaux, multiples expressions de l’exigence de paix (en phase avec le film consacré à Londres) et à la présence des groupes d’enfants.

1er mai 1948, chemin de la liberté : film de l’Union des Syndicats de la Région Parisienne

Le premier mai 1948 se ressent à double titre de l’entrée en guerre froide : le cortège de la CGT s’amenuise sans que la maigre initiative de la CGT-FO ne compense les pertes, et cet acteur politique qu’est le RPF, fondé par le général de Gaulle, organise un rassemblement au parc de Bagatelle (d’avantage imité de la fête de l’Humanité que des cortèges de Premier mai) pour « faire pièce aux défilés hargneux ou l’on marche au rythme des injures criées et redonner à la fête du travail « monopolisée par les séparatistes [c’est à dire la CGT] le caractère de fête nationale que le général de Gaulle lui avait conféré en 1942 »3
Le film se distingue des précédents en ce qu’il répond à une commande passée par cet organisateur en titre du Premier mai parisien qu’est l’Union des Syndicats de la Région Parisienne (USRP) et qu’il s’en donne pour une histoire. Le Premier mai n’a jamais été une commémoration. Il est, écrit Eric Hobsbawm, « la seule fête qui ne commémore rien pour ne parler que du futur ». Jusqu’à la Libération, sa solide inscription dans les rites militants a dispensé d’en formuler chaque année l’historique. Ce recours à l’histoire n’est pas un phénomène isolé. La CGT et la CGT-FO publient cette même année divers articles ou brochures historiques pour ainsi s’affirmer chacune pour seule héritière légitime du Premier mai. La loi de 1948 (que ni le film ni les écrits ne retiennent pour une conquête) et la disparition de la grève qui lui est corollaire risquent d’en altérer la nature contribuent à rendre nécessaires certains rappels.

 

1er mai 1948
Un groupe de grévistes rédige un bulletin (1er mai 1948, Chemin de la liberté ; Maurice Théry, 1948)

1er mai 1948 - Gravure
Gravure montrant des enfants au travail dans la mine (1er mai 1948, Chemin de la liberté ; Maurice Théry, 1948)

Dans sa partie historique, le film évoque la misère et l'exploitation ouvrière (tisseurs et souffleurs de verre, taudis, travail des enfants dans les champs et les mines), les profits capitalistes (Le Creusot, la Bourse, les banques et les grands magasins), la répression (fusillade de Fourmies et pendus de Chicago...) et les premières luttes et conquêtes sociales (de la loi sur les accidents du travail aux congés payés en passant à la journée de 8 heures). Il se focalise ensuite sur la situation contemporaine en intégrant des images du Premier mai de FO et du rassemblement de Bagatelle, propres à les tourner en ridicule, puis s’engage dans un développement politique plus général. Nonobstant la présence d’un calendrier égrainant les 1er mai (1936, 1942 etc...), les images ne concernent qu'exceptionnellement le Premier mai. Celui-ci s’affirme en fait pour un terme générique qui subsume en lui toutes les luttes et conquêtes ouvrières, synonyme d’émancipation. Depuis 1906, la C.G.T. avait fait prévaloir l'idée d'une origine américaine et strictement syndicale du premier mai, n'accordant qu'une importance limitée au congrès socialiste de Paris en 1889. Ce film restitue à celui-ci le rôle originel qui fut le sien et présente les évènements de Chicago - qu’il date, comme ceux de Fourmies, de 1891 quand ils eurent lieu en 1886 - pour une de ses conséquences. Sans doute pour mieux dénoncer la violence d’Etat à l’heure de la guerre froide. Au fil des anniversaires, le centenaire des événements de Chicago, 1936, la Commune ou la Révolution française peuvent apparaître occasionnellement au hasard d’une banderoles.

Une journée internationale

Le Premier mai a progressivement gagné toute la planète, dans des formes et sur des objectifs partiellement spécifiques à chaque État. Au terme de la révolution victorieuse, il devient fête nationale en Russie soviétique et, suite aux conséquences de la guerre, nationale ou simplement légale en Tchécoslovaquie, Autriche et Hongrie, Roumanie, Brésil, brièvement dans l’Allemagne de Weimar, puis dans l’Allemagne nazie, en Espagne franquiste et en Bulgarie. Il l’est aujourd’hui dans la plupart des États.
Ciné-Archives conserve quelques rares images des Premiers mai moscovites des années 20. Le 1er mai 1948, chemin de la liberté intègre pour lui de courts plans (empruntés) de Premier mai en Bulgarie, Tchécoslovaquie et à Moscou où « La fête unitaire a pris son sens profond ».
Le Défilé du 1er mai 1951 à Londres, film anonyme sans doute destiné au Mouvement de la paix, donne à voir des pancartes Peace, en phase avec le cortège français. À une date où le cortège parisien peut encore se déployer sans entraves, il s’attarde sur les face à face entre manifestants qui tentent de bloquer la circulation et policiers qui essaient de les contenir puis sur des altercations .
Premier mai à Khourigba, tourné par François Chevaldonné à la demande de l'Union marocaine du Travail en 1960 dans une importante ville minière du Maroc, donne la mesure de l’universalité de la journée et de la diversité des rites. 
Alors que des immigrés et réfugiés s’intègrent aux cortèges français, des délégations françaises sont susceptibles de se rendre dans les démocraties populaires ou à Moscou à l’initiative de leur municipalité (Voyage en RDA d’une délégation de la ville de Montataire, 1962) ou de comités d’entreprise (par exemple Thomson CSF Guynemer pour le Voyage en URSS à l'occasion du 1er mai 1972, mais aussi Tourisme et Travail et France-URSS). La caméra s’attarde sur les acteurs et rites spécifiques de ce qui relève là de manifestations de souveraineté.

1er mai 1951 Londres
Deux manifestants affichent une pancarte depuis la fenêtre d'un bus (Défilé du 1er mai 1951 à Londres ; anonyme, 1951)

1. Contrairement aux souvenirs évoqués par de nombreux militants, le premier mai 1936 n’a donné lieu qu’à un petit rassemblement dans le bois de Vincennes aux fins d’éviter toute provocation à la veille des élections. 
2.  Série d’entretiens audio menés par Jacques Lemare dans les années 1970 et conservés par Ciné-Archives.
3.  Le rassemblement ouvrier, 6 mai 1948.

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