ESPAGNE VIVRA (L')
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- Réalisateur.ice.sHenri CARTIER-BRESSON
- Année(s)1939 précisément
- Lieu(x)Paris (75), Le Perthus (66), Marseille (13), Espagne, Pyrénées
- Durée00:44:00
- ColorationNoir & Blanc
- FormatFilm 35 mm
- SonSonore
Fustigeant le refus des démocraties européennes d'aider l'Espagne républicaine, "L'Espagne vivra" est structurée en trois axes : un exposé édifiant de la présence militaire étrangère venue aider la rébellion franquiste, une dénonciation de la politique de non-intervention décidée par la SDN et, enfin, la valorisation du travail militant des membres du Secours Populaire en faveur de l'Espagne républicaine.
Après un rappel des élections de février 1936 et une évocation de la misère qui frappait alors la population paysanne - contrastant avec la richesse de son sous-sol -, L'Espagne vivra dénonce le "complot international" visant à abattre la République espagnole et, à terme, la République française.
De nombreux documents et séquences apportent la preuve de la présence étrangère sur le sol ibérique: présence massive de mercenaires marocains, accords secrets passés entre Franco, Hitler et Mussolini, saisie de troupes et d'armement allemand et italien suite à la victoire de Guadalajara, et surtout, mise en exergue de l'interview d'un sergent d'infanterie italien (Tanna Alphonso) qui détaille les conditions de sa venue sur le sol ibérique, largement encouragée par l'Etat italien.
A rebours, L'Espagne vivra minore le rôle et l'importance des Brigades Internationales - qu'elle (sous) évalue à 15 000 personnes - même si une courte séquence est consacrée à l'hommage du « peuple de Paris » aux Brigades de retour en France, en Novembre 1938 avec, en tête du défilé, André Marty et Henri Rol-Tanguy.
Ce documentaire militant rappelle également que tout le monde est menacé par le fascisme, catholiques et pays membres du comité de non-intervention compris : enterrement religieux d'un Basque tombé pour défendre « sa grande, sa petite patrie » (contre-plongée sur une croix), obsèques du vice-consul de la France, Antonin Lecouteux, tué lors des bombardements de Barcelone, plans sur les cercueils des marins anglais dont le bateau a été torpillé en mer.
Le commentaire, une voix féminine, précise que la capitulation de Munich favorise la constitution d'un « bloc fasciste ».
La dernière partie est plus chronologique : la Catalogne conquise, un flot de réfugiés, dont des enfants affamés, traversent à pied les Pyrénées ; les combattants espagnols sont désarmés par les troupes sénégalaises et envoyés dans des camps de concentration ; malgré les promesses de Franco, Madrid et Valence sont bombardées (plans de ruines et de cadavres). Cependant, dans la zone républicaine, les usines « travaillent à plein » (plans d'une usine de chaussures et visite d'une délégation française). L'Espagne a faim tandis que la France garde le stock d'or de la république assiégée.
Les cinq dernières minutes d'Espagne vivra sont consacrées au travail du Secours Populaire et de ses militants : quêtes pour acheter du lait pour les enfants d'Espagne, collectes de vivres et de vêtements, camions de la solidarité parcourant la campagne, affrètements de péniches, de trains et de bateaux. Dans une brève séquence un navire quitte le port de Marseille et arrive en Espagne où il est fêté triomphalement. L'Espagne vivra s'achève par des plans de pièces de monnaie collectées, comptabilisées, de lait, et par un plan du stand du Secours populaire à la Fête de l'Humanité, à Garches en 1938 (« Tout ce qui est humain est nôtre ».
Si L'Espagne vivra s'achève par un appel à l'aide humanitaire, ce documentaire commandité par le Secours Populaire, réalisé par Henri Cartier-Bresson et dont le commentaire est rédigé par Georges Sadoul (ils étaient alors beaux-frères), est avant tout un réquisitoire argumenté et détaillé contre la présence étrangère - maure, allemande et surtout italienne - aux côté des troupes franquistes. Ce réquisitoire contient une critique acerbe de la non-intervention et alerte sur les dangers qui menacent la France à ses frontières, dangers incarnés par les visées hégémoniques de l'Allemagne nazie. L'Espagne vivra, dénonciation des accords de Munich compris, reprend donc les positions politiques du PCF à cette époque. A l'exception peut-être de quelques plans, l'on ne reconnaît pas ici le style -cadrage et lumière- d'Henri Cartier-Bresson. Il est vrai que de nombreux emprunts ont été faits à différents films (La colonne Durruti, La mutilation de Barcelone). L'interview du sergent italien a certainement été réalisée par le documentariste soviétique Roman Karmen. L'Espagne vivra ne semble pas avoir été distribué après sa réalisation, mais nombre de ses plans ont été utilisés dans Levés avant le jour (1948).
Extraits : La colonne Durruti, La mutilation de Barcelone, Magazine Populaire n°1
Lieux : Madrid, Londres, Marseille, Barcelone, Guadalaraja, Perthus, Paris (dont les usines Citroën).
Personnalités : Dolorès Ibarruri, Chamberlain, Eric Labonne (ambassadeur de France en Espagne) André Marty, Henri Rol-Tanguy, Mussolini, Hitler, Tanna Alphonso...
Lieux de consultation : Ciné-Archives, Archives Françaises du Film, Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, Forum des images.