ANTOINE PORCU
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- Sous-titreRUSHES DE CAMARADES (YVES JEULAND)
- Réalisateur.ice.sYves JEULAND
- Année(s)2003 précisément
- Lieu(x)Lorraine, Longwy (54)
- Durée01:10:00
- ColorationCouleur
- FormatDV Cam
- SonSonore
Ce document est un montage réalisé par Ciné-Archives en 2024 à partir des rushes de l'entretien tourné par Yves Jeuland en 2003 dans le cadre de la réalisation de son film Camarades. Il était une fois les communistes français... 1944-2004 (production : Compagnie des phares et balises, 2004).
Né en Lorraine dans une famille d'immigrés italiens, Antoine Porcu (1926-2017) est ouvrier sidérurgiste dans le bassin houiller de Longwy. Syndicaliste à la CGT, militant puis député communiste de la Meurthe et Moselle, son nom reste attaché à sa ville de Longwy. En 1981, il est membre du cabinet de Charles Fiterman, ministre des transports dans le gouvernement Mauroy. En raison de sa liberté de ton par rapport au parti communiste, Antoine Porcu se voit refuser le renouvellement de sa carte d'adhérent en 1984.
Au sortir de la guerre, le parti communiste est auréolé de sa participation à la Résistance et, pendant trois ans, les communistes ont même des ministres au gouvernement, dont Charles Tillon, qui vient rencontrer le régiment dans lequel se trouve le jeune Antoine Porcu, alors engagé dans la marine en Méditerranée.
Antoine Porcu rentre à Longwy en 1948, devient secrétaire local de la CGT et est à la tête des grèves qui touchent la sidérurgie au début des années 50. Les années 50 sont marquées par la violence : violence des affrontements avec la police, mais aussi violence psychologique à l'intérieur du Parti en raison des exclusions des dissidents.
Malgré cela, on se sent viscéralement attaché au Parti, notamment pour la culture qu'il apporte à ces ouvriers qui ont dû quitter l'école à 14 ans. Antoine Porcu explique que sa vie de militant a largement pris le pas sur sa vie familiale. L'engagement au sein du Parti a toujours été sa priorité.
Les communistes français ont deux patries : la France et l'URSS, et deux héros, Staline et Maurice Thorez, dont le culte est célébré de leur vivant même. Le modèle soviétique reste une référence pendant longtemps, malgré les premières fissures qui apparaissent dans son armure. Antoine Porcu évoque la curieuse impression que lui firent certains voyages en URSS au sein de délégations envoyées par le PCF, même s'il estime avoir été aveuglé à l'époque.
Jusque dans les années 70, le communisme représente une véritable contre-société, avec ses propres institutions. Sont donc évoquées les écoles du parti, qui ont formé des générations de cadres communistes, mais aussi la presse communiste, qui loin de se résumer à l'Humanité, reposait en fait sur une myriade de titres, de Pif Gadget aux Lettres Françaises. Le Parti pouvait compter sur le soutien d'artistes comme Yves Montand, dont il est question dans l'entretien, et organisait également des séances de cinéma ainsi que des concours sportifs très prisés, via notamment la FSGT (Fédération Gymnique et Sportive du Travail).
Cependant, les doutes s'installent véritablement à partir du milieu des années 50. C'est d'abord le rapport Khrouchtchev en 1956 qui dénonce le stalinisme ; c'est la publication de livres accablants pour le régime comme L'Aveu d'Arthur London, L'archipel du goulag de Soljenitsyne, J'ai choisi la liberté de Victor Kravchenko... La répression sévère du printemps de Prague en 1968 contribue à faire émerger le doute, même si, à l'instar d'Antoine Porcu, beaucoup de communistes s'attachent encore à l'idée d'un complot américain pour faire tomber l'URSS.
Il est aussi beaucoup question dans cet entretien des socialistes, avec qui les communistes ont toujours entretenu des relations ambiguës. Antoine Porcu était un partisan de l'alliance avec les socialistes dans le cadre du programme commun de la gauche au début des années 70, mais tous les communistes ne partageaient pas ce point de vue. Il raconte le scepticisme face au programme commun et les réactions très partagées lors de l'élection de Mitterrand en 1981, avec la légendaire consigne du "vote révolutionnaire" visant à faire perdre Mitterrand au second tour de la présidentielle.
Antoine Porcu réfléchit aussi à l'avenir du parti. Pour lui, le communisme n'est pas mort, mais le parti l'est peut-être sous sa forme actuelle, à force d'avoir pendant des décennies refusé de voir que la société autour de lui était en train de changer. Le communisme sera peut-être le fruit de la "démocratie continue" plutôt que du Grand soir.