ALAIN KRIVINE

Ce document est un montage réalisé par Ciné-Archives en 2024 à partir des rushes de l'entretien tourné par Yves Jeuland en 2003 dans le cadre de la réalisation de son film Camarades. Il était une fois les communistes français... 1944-2004 (production : Compagnie des phares et balises, 2004).

Alain Krivine (1941-2022) est l'un des fondateurs et des dirigeants de la Jeunesse Communiste Révolutionnaire, de la Ligue Communiste, puis de la Ligue Communiste Révolutionnaire. Il a été le candidat de la LCR à l’élection présidentielle de 1969.

L’entretien commence par une évocation de « l’esprit de parti » et la description de la contre-société communiste dans les années 1950-1960. Krivine explique le rapport affectif au Parti, qui encourage des valeurs très positives comme la solidarité et la fraternité et apparaît comme le seul espace politique de défense de la classe ouvrière. Le revers de la médaille est le stalinisme du PCF, qui se traduit par la pression du collectif sur l’individu et le refus de toute critique.

La vie communiste est organisée autour de rituels et de symboles : on célèbre les martyrs communistes, on se rassemble lors de grandes manifestations culturelles et sportives, comme la Fête de l’Humanité ou le Cross de l’Humanité. Mais le parti bénéficie aussi d’un réseau-relais de structures associatives implantées sur tout le territoire : Union des Femmes Françaises, FSGT (Fédération Gymnique et Sportive du Travail), etc. La presse communiste contribue également à encadrer les militants, « du berceau au cercueil ».

Au moment où cet entretien est tourné (2003), cette culture englobante n’existe plus. Le communisme municipal est un des derniers bastions du communisme, avec 700 municipalités et 12 000 élus. Mais le PCF est en crise, et la banlieue rouge s’effrite peu à peu, au profit des socialistes. Alain Krivine revient sur la crise d’identité du PCF et sur son avenir incertain après l’élection présidentielle de 2002.

Parmi les dérives conservatrices qui ont participé selon lui au déclin du Parti, Alain Krivine évoque les exclusions, dont la sienne, mais aussi une hostilité au changement social, très marquée à partir des années 60.

Alain Krivine raconte sa prise de distance par rapport au parti dès le début des années 60, son engagement dans la LCR et revient également sur de grandes dates de l’histoire du PCF des années 50 à nos jours.

Après avoir adhéré naturellement au PCF en raison de ses positions pacifistes et anti-impérialistes en pleine guerre froide, le jeune Krivine prend rapidement ses distances avec le parti, qui plus est à un moment considéré par beaucoup d’autres militants comme un des faits de gloire du PCF : l’opposition à la guerre d’Algérie. Alain Krivine explique l’attitude ambiguë du parti à l’égard de ce conflit, puisque le PCF souhaitait moins l’indépendance de l’Algérie que la fin de la guerre. Le premier choc pour le jeune militant qu’il est alors est la rencontre avec une délégation du FLN en 1957 et la prise de conscience que le PCF ne soutient pas les indépendantistes. 

Alain Krivine relate alors l’émergence de ce que l’on appellera « l’extrême gauche ». La première manifestation en est la création du Front Universitaire Antifasciste en 1961, qui rassemble des étudiants mécontents du manque de soutien du PCF au FLN. Pour la première fois, les étudiants s’organisent et manifestent par milliers en dehors du parti, premier symptôme de décrochage avec la jeunesse selon Krivine. La Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) est créée en 1965, mais il faut attendre mai 68 pour que le divorce entre le parti et les étudiants éclate au grand jour. Le PCF est « débordé sur sa gauche », et faute de comprendre les étudiants, se retranche dans ses positions, jouant la carte de l’opposition entre les ouvriers et la bourgeoisie estudiantine.

Alain Krivine évoque sa candidature à l’élection présidentielle de 1969 face à un Jacques Duclos en grande forme. La figure de Georges Marchais est également abordée, de l’espoir initial à la crispation des années 80. Il évoque la perte de vitesse du parti à cette période, la multiplication des courants dissidents sans lendemain au sein du parti. Finalement, l’entretien se termine sur la réforme du parti par Robert Hue, réforme ratée selon Alain Krivine, pour un parti qui ne sait plus parler aux classes populaires.