10 ANS DE GAULLISME ÇA SUFFIT
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- Réalisateur.ice.sCOLLECTIF DYNADIA
- Année(s)1968 précisément
- CollectionDYNADIA
Ce diaporama tire son titre du discours de Waldeck Rochet prononcé le 22 mai 1968 devant l'Assemblée nationale à l'occasion du débat sur la motion de censure (« Dix ans de gaullisme, ça suffit ! »). Ses auteurs entendent montrer que Mai 68 est non seulement le résultat d'une série d'actions entamées depuis janvier 1967 par les organisations ouvrières mais aussi l'expression d'aspirations communes bafouées par dix années de pouvoir gaulliste. Le commentaire rend le Général de Gaulle responsable d'avoir trahi les espoirs de la Libération en instaurant un régime fondé sur l'autorité, la peur et le profit. Il dresse un réquisitoire sans appel contre la politique gouvernementale menée depuis 1958. Ses conséquences néfastes n'ont cessé de peser sur l'emploi (disparition de PME et de petites exploitations, chômage), sur les conditions de vie et de travail (accélération des cadences, baisse du pouvoir d'achat, augmentation des impôts), sur les droits sociaux (atteintes aux régimes de santé et de retraite), sur l'enseignement et l'égalité des chances (crise universitaire). Pour finir, le narrateur donne sa lecture des événements de Mai 68 : le refus de dialogue du pouvoir politique avec les étudiants, l'unité des travailleurs contre les « assassins de Charonne », l'appel du syndicat CGT à la grève et à l'occupation, les accords de Grenelle et la poursuite victorieuse des négociations au niveau des fédérations et des entreprises, le « chantage à la peur » du Général de Gaulle (dissolution de l'Assemblée nationale, élections et amnistie des fascistes de l'OAS) et le thème de la « participation » (« avec la répression, c'est tout ce que la grande bourgeoisie peut proposer aux travailleurs »).
Réalisé au cours de l'été 1968, Dix ans de gaullisme, ça suffit ! utilise une matière documentaire plurielle : des dessins et des caricatures ; des tableaux noirs et des statistiques ; des Unes de journaux (Le Parisien, L'Humanité, Tribune Socialiste) et des articles satiriques (ex. les commandements du pouvoir gaulliste : « Aux Français tu déclareras « L'État, c'est moi ! ». Des militaires tu dresseras contre le gouvernement. Sur le Parlement t'assiéras et sur les lois pareillement. Le Capital tu serviras, Général, généreusement ») ; des photographies illustratives, détournées (mentions manuscrites pour accuser, rayées pour signifier des droits perdus) ou « en cascade » (ex. la succession des photos d'une chaîne automobile forme l'équation « cadences +... / ...+ durée de travail / = productivité »). La dernière diapositive indique : « Prochaine série : un mythe, la participation ».
Dix ans de gaullisme, ça suffit ! est montré pour la première fois en septembre 1968 à la Fête de l'Humanité. À la fin de l'année, quelques 250 jeux sont vendus grâce à la CPDF. En 1971, c'est au total 500 jeux qui auront été diffusés en France. Certaines pièces apparaissent dans Réflexions sur Mai (1968).
TEXTE DU COMMENTAIRE :
« Les Français continuent à payer la note de Mai. On n'a pas fini de l'entendre dire. En fait, c'est dix ans de gaullisme qui sont responsables du mouvement de mai. Un mouvement d'une grande puissance pour l'aboutissement des aspirations communes à notre peuple, aspirations bafouées depuis dix ans. C'est le 8 janvier 1958 que De Gaulle disait : « Tout le problème est celui du pouvoir à Paris et se préparer à le prendre avec la complicité des militaires et l'appui du grand capital ». De Gaulle joue sur la peur... « On ne remue pas les foules autrement que par des sentiments alimentaires, de violentes images, de brutales invocations. » Les hommes les plus lucides sur le coup d'état s'organisent en comités. Malgré leur action courageuse, le chantage à la guerre civile réussit. « C'est moi seul qui fait la politique et sous ma seule responsabilité. Moi seul ai le pouvoir de décision », disait Antoine Pinay. Ses maîtres ? Charles Maurras, directeur de L'Action française, propagandiste numéro un de la monarchie en France (« De Gaulle se plaisait étrangement dans l'intrigue politique. Il fréquentait l'Action française au plus des cagoulards », écrivait De Kerillis dans De Gaulle dictateur) - Pétain, maréchal félon dont il fut l'aide de camp de 1925 à 1927 (De Gaulle lui dédicace Le Fil de l'épée, Vers l'armée de métier, La France et son armée), Pétain condamné à mort et gracié en 1945 par De Gaulle. Les méthodes de De Gaulle ? L'autorité ne va pas sans prestige ni le prestige sans éloignement. La confiance des petits exalte l'homme... Il se sent obligé par cette humble justice qu'on lui rend. On ne peut rassembler les Français que sous le coup de la peur. On ne peut pas rassembler à froid un pays qui compte deux cent soixante-cinq spécialités de fromage ! Les hommes ne se passent au fond d'être dirigés non plus que de manger, boire et dormir. Ce qu'il pense du monde du travail : « Il faut accroître la production par tous les moyens, notamment pas l'augmentation de la durée du travail » (déclaration à Saint-Étienne en 1948) - « Il n'y a pas de raison que la Constitution comporte dans son texte la reconnaissance des syndicats » (conférence de presse du 1er mai 1948).
Voilà l'homme choisi par le Grand Capital pour régner sur la France. Sa doctrine, expression de ce que la bourgeoisie a de plus médiocre et de plus rétrograde, inspire sa Constitution qui est adoptée malgré le « non » du Parti communiste français et de personnalités isolées. Cette Constitution supprime tous les acquis de celle de la Libération avec la participation des communistes. Par exemple, « Le droit de grève s'exprime, s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » : c'est supprimé. « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix » : supprimé. « Nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances » : supprimé. « La loi garantit à la femme dans tous les domaines des droits égaux à ceux de l'homme » : supprimé. « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'éducation, à la formation professionnelle et à la culture » : supprimé. « La Nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, de la sécurité maternelle, le repas et les loisirs » : supprimé. Ceci donne bien le ton antisocial de la Constitution de De Gaulle qui peut à tout moment, par simple décret, sans demander l'avis des députés, abroger ou modifier toute loi sur le remboursement des frais médicaux, le montant des allocations familiales, le calcul des pensions ou retraites, les zones de salaires, la durée des congés payés, le repos hebdomadaire, les statuts particuliers, les conventions collectives, le statut des délégués dans l'entreprise, les heures supplémentaires, etc. Et par simple décret, il peut prendre à lui seul les mesures exigées par les circonstances comme nommer et révoquer seul tous les ministres, dissoudre l'Assemblée nationale, décréter l'état d'exception qui met la France sous l'autorité du pouvoir militaire. Et il ne s'en privera pas !
Dès la fin 1958, le pouvoir concrétise ses attaques contre les institutions démocratiques et contre les conquêtes des travailleurs. Dans le domaine politique, modification de la loi électorale en faveur de la réaction, renforcement des pouvoirs des préfets, regroupement des communes. Dans le domaine financier, charges de plus en plus lourdes pour les budgets des communes et des départements, voieries, écoles, assistance, installations sportives, etc. Mesures contre les allocations familiales, contre la Sécurité sociale, contre la retraite des anciens combattants. Manifestation contre la franchise des trois mille francs. Atteinte à la laïcité de l'enseignement. Loi Debré 58-59 traduite par un supplément d'impôts de cent milliards par an. Pour l'université, les réformes et le plan Fouchet ne tiennent pas compte des besoins réels de la nation mais des intérêts égoïstes du Grand Capital. En août 1959, Debré déclare : « On demande des sacrifices aux travailleurs. On leur en demandera encore ».
La guerre d'Algérie se poursuit toujours. Les militaires tentent le putsch d'Alger. Devant son échec, l'OAS se manifeste en métropole. Le 8 février 1962, six attentats sont commis à Paris. La victime de l'un d'eux est une petite fille de quatre ans. Les travailleurs réagissent vigoureusement. Ils exigent du pouvoir complice la mise hors d'état de nuire des bandits de l'OAS. Ils manifestent en masse autour de la Bastille. Calme et disciplinée, cette manifestation est sauvagement réprimée : huit morts dans la bouche du métro Charonne. Une foule extraordinaire défile dans le silence complet. Une fois de plus, le pouvoir gaulliste révèle sa mansuétude à l'égard des fascistes. Les condamnations sont légères. Six ans plus tard, tous les responsables de l'OAS seront en liberté. Le 6 septembre 1961, De Gaulle déclarait que la France coopérerait à tout ce qu'amènerait le désarmement atomique. Dans le même temps, de juin 1960 à février 1962, De Gaulle refuse à quatre reprises de participer à la Conférence de Genève sur le désarmement...
Les travailleurs le savent bien. Ils exigent par des actions de plus en plus fréquentes l'amélioration de leur condition. En mars 1963, le pouvoir tente de briser la grève des mineurs en décrétant la réquisition mais la grève continue. Une grève de solidarité est déclenchée dans toute la France le 5 mars. Autour des mineurs, le soutien se développe. Plus de cent millions sont collectés au 18 mars. Le 5 avril, ils reprennent victorieusement le travail -13,25% d'augmentation de salaire, quatrième semaine de congés... Le gouvernement ne se tient pas pour battu. Il propose en procédure d'urgence la « loi anti-grève ». Cette loi est adoptée le 4 juillet 1963 malgré l'opposition de tous les démocrates et grâce à une man1/2uvre : le vote bloqué. Aux revendications des ouvriers, le pouvoir du Grand Capital répond par la « loi anti-grève ». À celle des paysans, il répond par la force. En conclusion, durant cette période 1962-1963, les conditions de vie se sont aggravées. Les impôts ont augmenté de 66%, la semaine de travail est allongée d'une heure, le tiers des salariés gagne moins de cinq cents francs par mois. Pompidou déclare : « Je ne crois pas que l'objet principal de ce règne et de l'action du Général soit d'apporter la prospérité aux Français. Le premier objet, à mon avis, cela a été de leur rendre la dignité ».
1965 : le pouvoir corrompu est mis en ballottage. 1966 : il accélère le renforcement du capitalisme monopoliste d'État, rappelant ce qui s'est passé en 1965-1966. L'Affaire Ben Barka étale au grand jour la corruption du pouvoir : police parallèle, intimidations et assassinat du témoin, corruption, vices de procédure, etc. L'affaire est escamotée. Les partis et les personnels de la Gauche accusent le pouvoir. Après sept ans, le pouvoir gaulliste a montré l'incapacité des monopoles capitalistes dont il est l'agent à résoudre les problèmes de notre temps. Le mécontentement qui a gagné les couches nouvelles de la population est tel que le candidat unique de la Gauche met De Gaulle en ballottage au premier tour des élections de 1965. On ne gouverne pas impunément contre les intérêts de la nation. Toutefois, De Gaulle est réélu. Banquiers et grands industriels respirent. Pompidou avait dit : « Il est trop commode de s'indigner contre les profits des trusts. Il n'y a rien de plus nuisible à toutes les classes sociales que de déclarer la guerre aux bénéfices des sociétés ». La fusion des grandes sociétés s'accélère. Le gouvernement prête aux grosses firmes à taux très réduits. Par exemple, en novembre 1965, dix milliards sont prêtés à la sidérurgie sur l'emprunt équipement et trente milliards sont prêtés aux sociétés exportatrices. En ce qui concerne les impôts en 1966, les entreprises peuvent déduire 10% du prix de revient investissement, ce qui coûte cinquante-huit milliards de francs au Trésor. L'énergie électrique fournie à Péchiney, usine qui consomme plusieurs milliards de kilowatts/heure par an, est fournie au prix de revient de 1,77 le kilowatt/heure : c'est nettement inférieur au prix de revient du kilowatt/heure qui est de 9,09. On estime à quatre cent un milliards par an les ponctions faites par l'État dans les caisses de la Sécurité sociale. En fait, il n'y a pas de déficit de la Sécurité sociale. Le pouvoir fait des cadeaux aux trusts au détriment des travailleurs. Voici quelques exemples de la progression des bénéfices de quelques grosses sociétés et ces chiffres ne tiennent pas compte des camouflages des taxations investissement et réserve. Le pouvoir d'achat des travailleurs reste inférieur à 1958.
En 1965, un salaire moyen produit autant en trente-deux heures qu'en quarante-six heures en 1957. Le gouvernement provoque la disparition des petites et moyennes entreprises, des petits emplois agricoles. Le chômage et les licenciements affectent tous les secteurs de l'économie. Pour l'ensemble des salariés, un salaire sur quatre gagne moins de six cents francs par mois. Alors que le coût de la vie a augmenté de 82%, le pouvoir d'achat du SMIG a baissé de 18%. Pour établir le SMIG, le grand patronat se base sur des critères féodaux des besoins humains. Ils estiment que les femmes ont besoin de deux mille deux cents calories par jour et les hommes de deux mille quatre cents calories par jour. En fait, le minimum reconnu par le corps médical est trois mille calories par jour. En 1966, deux millions huit cent mille personnes âgées doivent vivre avec six francs cinquante-sept par jour. On estime que les femmes qui ont un emploi et un ménage travaillent de quatre-vingt à cent heures par semaine. Dans la Seine, trois cent dix mille ouvrières à qualifications égales touchent un salaire inférieur à celui des ouvriers. Sur cette différence, le grand patronat réalise annuellement un surprofit de trente-cinq milliards d'anciens francs. De 1959 à 1967, les accidents de travail augmentent de 30%. En 1967, il y a plus de quatre mille morts. La France est le pays d'Europe où la durée du travail est la plus longue. Il y a cinq cent mille chômeurs, non compris les jeunes qui n'ont jamais trouvé d'emploi. En dix ans, huit cents mille exploitants agricoles ont disparu. Cent soixante mille jeunes, chaque année, quittent les campagnes pour devenir chômeurs ou main d'1/2uvre surexploitée. En 1967, sept mille cinq cent cinquante-cinq tonnes de pommes détruites, six mille neuf cent quatre-vingt-cinq tonnes de choux-fleurs détruits, deux mille tonnes de tomates détruites et en cinq jours huit cent tonnes de pêches détruites dans le Lot-et-Garonne.
En neuf ans, les dépenses militaires se sont gonflées de huit cent quatre-vingt dix-sept milliards d'anciens francs tandis que l'Éducation nationale est en crise faute de maîtres, de locaux, d'équipements et de structures modernes. Dans l'enseignement primaire, les besoins augmentent. Des écoles sont fermées. Sur six cent mille étudiants, 40% effectuent un travail à temps plein pendant leurs études, 40% ne terminent pas leurs études, 12% seulement sont enfants d'ouvriers et de paysans. Des milliers de jeunes ne trouvent pas de place dans les centres d'apprentissage, les collèges techniques, les cours complémentaires. Ils obtiennent des réalisations insuffisantes des huit ministres de l'Éducation nationale qui se succèdent au gouvernement. Le 21 janvier 1967, à la télévision, Pompidou déclare : « Ce que je considère que nous avons le mieux fait, et qu'en particulier j'ai moi-même le mieux réussi, ou qui m'a donné le plus de satisfactions, c'est l'Éducation nationale ». Depuis neuf ans, et au détriment de toutes les institutions d'intérêt public et social, la politique gaulliste a pour principal objectif le renforcement de la grande bourgeoisie capitaliste dont les représentants se retrouvent au sein même du gouvernement. De 1958 à 1967, les bénéfices des grandes entreprises augmentent vertigineusement. Ceux de la firme De Wendel sont multipliés par huit. Le mécontentement croissant du peuple resserre l'union des forces de Gauche. Concrétisé par la plateforme commune PCF-FGDS, il se traduit par un recul du gaullisme aux législatives de 1967. Pour parer à la menace, le pouvoir gouverne par décrets, ordonnances, pleins pouvoirs. Les forces démocratiques se mobilisent contre l'arbitraire gaulliste. Au Congrès de Lille, les Gaullistes tentent d'arrêter le développement de l'union des forces démocratiques en décidant une propagande anti-communiste. La réponse ne se fait pas attendre.
Depuis janvier, partout les actions s'intensifient et pour la première fois depuis quatorze ans, le pouvoir est forcé d'autoriser le défilé du Premier mai à Paris. Le 3 mai, à dix-sept heures, malgré la franchise dont l'Université bénéficie depuis sa création, la police investit la Sorbonne pour dispenser un meeting antifasciste. Six cents étudiants sont appréhendés et douze sont inculpés et gardés à la disposition du parquet. Le pouvoir refuse de dialoguer avec les étudiants. Il utilise la violence ultime. Les étudiants exigent la libération de leurs camarades. Dans la nuit du 10 au 11 mai, le gouvernement leur envoie les assassins de Charonne. Depuis le 3 mai, cela fait mille quarante-cinq blessés. Les travailleurs ne tolèrent pas cette sauvagerie. Le 13 mai 1968, Paris connaîtra la plus formidable manifestation de masse de ces dernières années. Sur l'initiative de la CGT, la grève générale est lancée dans la France entière contre la répression et pour les revendications. Le 14 mai, la CGT appelle les travailleurs à se réunir dans les entreprises et à définir leur action démocratiquement. Le lendemain, les deux mille métallos de Sud-Aviation en Loire-Atlantique passent de trois semaines d'actions revendicatrices à la grève totale avec occupation de l'usine. Le signal est donné. Le 16 mai, la plus grande usine de France, Renault Billancourt, est occupée par ses travailleurs. Le 18 mai au matin, il y a un million de grévistes en France. La grève s'étend aux services publics. Les cadres, ingénieurs et techniciens prennent conscience de la nécessité de leur participation aux actions. Ils se joignent à la grève. Le 18 mai au soir, deux millions de grévistes en France. L'occupation de la Sorbonne a déclenché un mouvement identique de toutes les universités du pays. Le 25 mai débutent les négociations syndicats / patronat / gouvernement. Elles aboutissent au Constat de Grenelle. Les résultats acquis sont jugés insuffisants par les travailleurs. La grève continue alors que les négociations se poursuivent au niveau des fédérations, des entreprises. Le travail ne reprendra qu'après d'importants succès : augmentation des salaires, diminution du temps de travail, libertés syndicales. Le 29 mai, huit cent mille manifestants, une seule volonté : « Gouvernement populaire ». Ce jour-là, De Gaulle prépare la riposte du gouvernement. Il va profiter de l'action de ceux qui tentaient d'entraîner les travailleurs et le mouvement démocratique vers un affrontement violent avec le pouvoir. Il quitte mystérieusement l'Élysée... La dissolution de l'Assemblée nationale et l'annonce des élections coïncident avec l'amnistie de tous les fascistes OAS emprisonnés ou en exil. Organisée par le gouvernement et ses Comités de défense de la République, la manifestation gaulliste du 30 mai préfigure le résultat d'une campagne électorale basée exclusivement sur le chantage à la peur : 43,65% de voix pour les Gaullistes, 41,20% de voix pour la Gauche. Mais un système électoral injuste donne malgré tout la majorité absolue des députés (75%) au pouvoir. Ce résultat n'est qu'un répit. Mécontentement et opposition commencent à croître. Pour gagner du temps, on relance l'opération « en participation ». Avec la répression, c'est tout ce que la grande bourgeoisie peut proposer aux travailleurs !
Nous qui nous sommes battus en Mai pour nos revendications, permettrons-nous que nos acquis soient remis en cause ? La meilleure garantie de nos droits n'est-elle pas un Gouvernement populaire et d'Union démocratique ? Le mouvement de mai et juin est une étape irréversible dans la lutte du peuple français pour la conquête de sa dignité, de sa liberté, de sa prospérité. Constitution réactionnaire, assemblée au service du Grand Capital, n'ont pu éviter l'expression grandissante du mécontentement pendant dix ans et l'explosion de Mai. Rien n'est résolu. Quelles sont aujourd'hui nos possibilités d'action, unis sur les lieux de notre travail ou de notre vie quotidienne ? Quelles sont les questions qui se posent autour de nous dans cette société dite de consommation par une minorité ? Comment allons-nous travailler à l'élaboration du programme du gouvernement, de l'ensemble des forces démocratiques, de l'union de la classe ouvrière et de tous nos alliés autour de ce programme dont dépendent les changements profonds exprimés en mai et juin? »
Réalisé au cours de l'été 1968, Dix ans de gaullisme, ça suffit ! utilise une matière documentaire plurielle : des dessins et des caricatures ; des tableaux noirs et des statistiques ; des Unes de journaux (Le Parisien, L'Humanité, Tribune Socialiste) et des articles satiriques (ex. les commandements du pouvoir gaulliste : « Aux Français tu déclareras « L'État, c'est moi ! ». Des militaires tu dresseras contre le gouvernement. Sur le Parlement t'assiéras et sur les lois pareillement. Le Capital tu serviras, Général, généreusement ») ; des photographies illustratives, détournées (mentions manuscrites pour accuser, rayées pour signifier des droits perdus) ou « en cascade » (ex. la succession des photos d'une chaîne automobile forme l'équation « cadences +... / ...+ durée de travail / = productivité »). La dernière diapositive indique : « Prochaine série : un mythe, la participation ».
Dix ans de gaullisme, ça suffit ! est montré pour la première fois en septembre 1968 à la Fête de l'Humanité. À la fin de l'année, quelques 250 jeux sont vendus grâce à la CPDF. En 1971, c'est au total 500 jeux qui auront été diffusés en France. Certaines pièces apparaissent dans Réflexions sur Mai (1968).
TEXTE DU COMMENTAIRE :
« Les Français continuent à payer la note de Mai. On n'a pas fini de l'entendre dire. En fait, c'est dix ans de gaullisme qui sont responsables du mouvement de mai. Un mouvement d'une grande puissance pour l'aboutissement des aspirations communes à notre peuple, aspirations bafouées depuis dix ans. C'est le 8 janvier 1958 que De Gaulle disait : « Tout le problème est celui du pouvoir à Paris et se préparer à le prendre avec la complicité des militaires et l'appui du grand capital ». De Gaulle joue sur la peur... « On ne remue pas les foules autrement que par des sentiments alimentaires, de violentes images, de brutales invocations. » Les hommes les plus lucides sur le coup d'état s'organisent en comités. Malgré leur action courageuse, le chantage à la guerre civile réussit. « C'est moi seul qui fait la politique et sous ma seule responsabilité. Moi seul ai le pouvoir de décision », disait Antoine Pinay. Ses maîtres ? Charles Maurras, directeur de L'Action française, propagandiste numéro un de la monarchie en France (« De Gaulle se plaisait étrangement dans l'intrigue politique. Il fréquentait l'Action française au plus des cagoulards », écrivait De Kerillis dans De Gaulle dictateur) - Pétain, maréchal félon dont il fut l'aide de camp de 1925 à 1927 (De Gaulle lui dédicace Le Fil de l'épée, Vers l'armée de métier, La France et son armée), Pétain condamné à mort et gracié en 1945 par De Gaulle. Les méthodes de De Gaulle ? L'autorité ne va pas sans prestige ni le prestige sans éloignement. La confiance des petits exalte l'homme... Il se sent obligé par cette humble justice qu'on lui rend. On ne peut rassembler les Français que sous le coup de la peur. On ne peut pas rassembler à froid un pays qui compte deux cent soixante-cinq spécialités de fromage ! Les hommes ne se passent au fond d'être dirigés non plus que de manger, boire et dormir. Ce qu'il pense du monde du travail : « Il faut accroître la production par tous les moyens, notamment pas l'augmentation de la durée du travail » (déclaration à Saint-Étienne en 1948) - « Il n'y a pas de raison que la Constitution comporte dans son texte la reconnaissance des syndicats » (conférence de presse du 1er mai 1948).
Voilà l'homme choisi par le Grand Capital pour régner sur la France. Sa doctrine, expression de ce que la bourgeoisie a de plus médiocre et de plus rétrograde, inspire sa Constitution qui est adoptée malgré le « non » du Parti communiste français et de personnalités isolées. Cette Constitution supprime tous les acquis de celle de la Libération avec la participation des communistes. Par exemple, « Le droit de grève s'exprime, s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » : c'est supprimé. « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix » : supprimé. « Nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances » : supprimé. « La loi garantit à la femme dans tous les domaines des droits égaux à ceux de l'homme » : supprimé. « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'éducation, à la formation professionnelle et à la culture » : supprimé. « La Nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, de la sécurité maternelle, le repas et les loisirs » : supprimé. Ceci donne bien le ton antisocial de la Constitution de De Gaulle qui peut à tout moment, par simple décret, sans demander l'avis des députés, abroger ou modifier toute loi sur le remboursement des frais médicaux, le montant des allocations familiales, le calcul des pensions ou retraites, les zones de salaires, la durée des congés payés, le repos hebdomadaire, les statuts particuliers, les conventions collectives, le statut des délégués dans l'entreprise, les heures supplémentaires, etc. Et par simple décret, il peut prendre à lui seul les mesures exigées par les circonstances comme nommer et révoquer seul tous les ministres, dissoudre l'Assemblée nationale, décréter l'état d'exception qui met la France sous l'autorité du pouvoir militaire. Et il ne s'en privera pas !
Dès la fin 1958, le pouvoir concrétise ses attaques contre les institutions démocratiques et contre les conquêtes des travailleurs. Dans le domaine politique, modification de la loi électorale en faveur de la réaction, renforcement des pouvoirs des préfets, regroupement des communes. Dans le domaine financier, charges de plus en plus lourdes pour les budgets des communes et des départements, voieries, écoles, assistance, installations sportives, etc. Mesures contre les allocations familiales, contre la Sécurité sociale, contre la retraite des anciens combattants. Manifestation contre la franchise des trois mille francs. Atteinte à la laïcité de l'enseignement. Loi Debré 58-59 traduite par un supplément d'impôts de cent milliards par an. Pour l'université, les réformes et le plan Fouchet ne tiennent pas compte des besoins réels de la nation mais des intérêts égoïstes du Grand Capital. En août 1959, Debré déclare : « On demande des sacrifices aux travailleurs. On leur en demandera encore ».
La guerre d'Algérie se poursuit toujours. Les militaires tentent le putsch d'Alger. Devant son échec, l'OAS se manifeste en métropole. Le 8 février 1962, six attentats sont commis à Paris. La victime de l'un d'eux est une petite fille de quatre ans. Les travailleurs réagissent vigoureusement. Ils exigent du pouvoir complice la mise hors d'état de nuire des bandits de l'OAS. Ils manifestent en masse autour de la Bastille. Calme et disciplinée, cette manifestation est sauvagement réprimée : huit morts dans la bouche du métro Charonne. Une foule extraordinaire défile dans le silence complet. Une fois de plus, le pouvoir gaulliste révèle sa mansuétude à l'égard des fascistes. Les condamnations sont légères. Six ans plus tard, tous les responsables de l'OAS seront en liberté. Le 6 septembre 1961, De Gaulle déclarait que la France coopérerait à tout ce qu'amènerait le désarmement atomique. Dans le même temps, de juin 1960 à février 1962, De Gaulle refuse à quatre reprises de participer à la Conférence de Genève sur le désarmement...
Les travailleurs le savent bien. Ils exigent par des actions de plus en plus fréquentes l'amélioration de leur condition. En mars 1963, le pouvoir tente de briser la grève des mineurs en décrétant la réquisition mais la grève continue. Une grève de solidarité est déclenchée dans toute la France le 5 mars. Autour des mineurs, le soutien se développe. Plus de cent millions sont collectés au 18 mars. Le 5 avril, ils reprennent victorieusement le travail -13,25% d'augmentation de salaire, quatrième semaine de congés... Le gouvernement ne se tient pas pour battu. Il propose en procédure d'urgence la « loi anti-grève ». Cette loi est adoptée le 4 juillet 1963 malgré l'opposition de tous les démocrates et grâce à une man1/2uvre : le vote bloqué. Aux revendications des ouvriers, le pouvoir du Grand Capital répond par la « loi anti-grève ». À celle des paysans, il répond par la force. En conclusion, durant cette période 1962-1963, les conditions de vie se sont aggravées. Les impôts ont augmenté de 66%, la semaine de travail est allongée d'une heure, le tiers des salariés gagne moins de cinq cents francs par mois. Pompidou déclare : « Je ne crois pas que l'objet principal de ce règne et de l'action du Général soit d'apporter la prospérité aux Français. Le premier objet, à mon avis, cela a été de leur rendre la dignité ».
1965 : le pouvoir corrompu est mis en ballottage. 1966 : il accélère le renforcement du capitalisme monopoliste d'État, rappelant ce qui s'est passé en 1965-1966. L'Affaire Ben Barka étale au grand jour la corruption du pouvoir : police parallèle, intimidations et assassinat du témoin, corruption, vices de procédure, etc. L'affaire est escamotée. Les partis et les personnels de la Gauche accusent le pouvoir. Après sept ans, le pouvoir gaulliste a montré l'incapacité des monopoles capitalistes dont il est l'agent à résoudre les problèmes de notre temps. Le mécontentement qui a gagné les couches nouvelles de la population est tel que le candidat unique de la Gauche met De Gaulle en ballottage au premier tour des élections de 1965. On ne gouverne pas impunément contre les intérêts de la nation. Toutefois, De Gaulle est réélu. Banquiers et grands industriels respirent. Pompidou avait dit : « Il est trop commode de s'indigner contre les profits des trusts. Il n'y a rien de plus nuisible à toutes les classes sociales que de déclarer la guerre aux bénéfices des sociétés ». La fusion des grandes sociétés s'accélère. Le gouvernement prête aux grosses firmes à taux très réduits. Par exemple, en novembre 1965, dix milliards sont prêtés à la sidérurgie sur l'emprunt équipement et trente milliards sont prêtés aux sociétés exportatrices. En ce qui concerne les impôts en 1966, les entreprises peuvent déduire 10% du prix de revient investissement, ce qui coûte cinquante-huit milliards de francs au Trésor. L'énergie électrique fournie à Péchiney, usine qui consomme plusieurs milliards de kilowatts/heure par an, est fournie au prix de revient de 1,77 le kilowatt/heure : c'est nettement inférieur au prix de revient du kilowatt/heure qui est de 9,09. On estime à quatre cent un milliards par an les ponctions faites par l'État dans les caisses de la Sécurité sociale. En fait, il n'y a pas de déficit de la Sécurité sociale. Le pouvoir fait des cadeaux aux trusts au détriment des travailleurs. Voici quelques exemples de la progression des bénéfices de quelques grosses sociétés et ces chiffres ne tiennent pas compte des camouflages des taxations investissement et réserve. Le pouvoir d'achat des travailleurs reste inférieur à 1958.
En 1965, un salaire moyen produit autant en trente-deux heures qu'en quarante-six heures en 1957. Le gouvernement provoque la disparition des petites et moyennes entreprises, des petits emplois agricoles. Le chômage et les licenciements affectent tous les secteurs de l'économie. Pour l'ensemble des salariés, un salaire sur quatre gagne moins de six cents francs par mois. Alors que le coût de la vie a augmenté de 82%, le pouvoir d'achat du SMIG a baissé de 18%. Pour établir le SMIG, le grand patronat se base sur des critères féodaux des besoins humains. Ils estiment que les femmes ont besoin de deux mille deux cents calories par jour et les hommes de deux mille quatre cents calories par jour. En fait, le minimum reconnu par le corps médical est trois mille calories par jour. En 1966, deux millions huit cent mille personnes âgées doivent vivre avec six francs cinquante-sept par jour. On estime que les femmes qui ont un emploi et un ménage travaillent de quatre-vingt à cent heures par semaine. Dans la Seine, trois cent dix mille ouvrières à qualifications égales touchent un salaire inférieur à celui des ouvriers. Sur cette différence, le grand patronat réalise annuellement un surprofit de trente-cinq milliards d'anciens francs. De 1959 à 1967, les accidents de travail augmentent de 30%. En 1967, il y a plus de quatre mille morts. La France est le pays d'Europe où la durée du travail est la plus longue. Il y a cinq cent mille chômeurs, non compris les jeunes qui n'ont jamais trouvé d'emploi. En dix ans, huit cents mille exploitants agricoles ont disparu. Cent soixante mille jeunes, chaque année, quittent les campagnes pour devenir chômeurs ou main d'1/2uvre surexploitée. En 1967, sept mille cinq cent cinquante-cinq tonnes de pommes détruites, six mille neuf cent quatre-vingt-cinq tonnes de choux-fleurs détruits, deux mille tonnes de tomates détruites et en cinq jours huit cent tonnes de pêches détruites dans le Lot-et-Garonne.
En neuf ans, les dépenses militaires se sont gonflées de huit cent quatre-vingt dix-sept milliards d'anciens francs tandis que l'Éducation nationale est en crise faute de maîtres, de locaux, d'équipements et de structures modernes. Dans l'enseignement primaire, les besoins augmentent. Des écoles sont fermées. Sur six cent mille étudiants, 40% effectuent un travail à temps plein pendant leurs études, 40% ne terminent pas leurs études, 12% seulement sont enfants d'ouvriers et de paysans. Des milliers de jeunes ne trouvent pas de place dans les centres d'apprentissage, les collèges techniques, les cours complémentaires. Ils obtiennent des réalisations insuffisantes des huit ministres de l'Éducation nationale qui se succèdent au gouvernement. Le 21 janvier 1967, à la télévision, Pompidou déclare : « Ce que je considère que nous avons le mieux fait, et qu'en particulier j'ai moi-même le mieux réussi, ou qui m'a donné le plus de satisfactions, c'est l'Éducation nationale ». Depuis neuf ans, et au détriment de toutes les institutions d'intérêt public et social, la politique gaulliste a pour principal objectif le renforcement de la grande bourgeoisie capitaliste dont les représentants se retrouvent au sein même du gouvernement. De 1958 à 1967, les bénéfices des grandes entreprises augmentent vertigineusement. Ceux de la firme De Wendel sont multipliés par huit. Le mécontentement croissant du peuple resserre l'union des forces de Gauche. Concrétisé par la plateforme commune PCF-FGDS, il se traduit par un recul du gaullisme aux législatives de 1967. Pour parer à la menace, le pouvoir gouverne par décrets, ordonnances, pleins pouvoirs. Les forces démocratiques se mobilisent contre l'arbitraire gaulliste. Au Congrès de Lille, les Gaullistes tentent d'arrêter le développement de l'union des forces démocratiques en décidant une propagande anti-communiste. La réponse ne se fait pas attendre.
Depuis janvier, partout les actions s'intensifient et pour la première fois depuis quatorze ans, le pouvoir est forcé d'autoriser le défilé du Premier mai à Paris. Le 3 mai, à dix-sept heures, malgré la franchise dont l'Université bénéficie depuis sa création, la police investit la Sorbonne pour dispenser un meeting antifasciste. Six cents étudiants sont appréhendés et douze sont inculpés et gardés à la disposition du parquet. Le pouvoir refuse de dialoguer avec les étudiants. Il utilise la violence ultime. Les étudiants exigent la libération de leurs camarades. Dans la nuit du 10 au 11 mai, le gouvernement leur envoie les assassins de Charonne. Depuis le 3 mai, cela fait mille quarante-cinq blessés. Les travailleurs ne tolèrent pas cette sauvagerie. Le 13 mai 1968, Paris connaîtra la plus formidable manifestation de masse de ces dernières années. Sur l'initiative de la CGT, la grève générale est lancée dans la France entière contre la répression et pour les revendications. Le 14 mai, la CGT appelle les travailleurs à se réunir dans les entreprises et à définir leur action démocratiquement. Le lendemain, les deux mille métallos de Sud-Aviation en Loire-Atlantique passent de trois semaines d'actions revendicatrices à la grève totale avec occupation de l'usine. Le signal est donné. Le 16 mai, la plus grande usine de France, Renault Billancourt, est occupée par ses travailleurs. Le 18 mai au matin, il y a un million de grévistes en France. La grève s'étend aux services publics. Les cadres, ingénieurs et techniciens prennent conscience de la nécessité de leur participation aux actions. Ils se joignent à la grève. Le 18 mai au soir, deux millions de grévistes en France. L'occupation de la Sorbonne a déclenché un mouvement identique de toutes les universités du pays. Le 25 mai débutent les négociations syndicats / patronat / gouvernement. Elles aboutissent au Constat de Grenelle. Les résultats acquis sont jugés insuffisants par les travailleurs. La grève continue alors que les négociations se poursuivent au niveau des fédérations, des entreprises. Le travail ne reprendra qu'après d'importants succès : augmentation des salaires, diminution du temps de travail, libertés syndicales. Le 29 mai, huit cent mille manifestants, une seule volonté : « Gouvernement populaire ». Ce jour-là, De Gaulle prépare la riposte du gouvernement. Il va profiter de l'action de ceux qui tentaient d'entraîner les travailleurs et le mouvement démocratique vers un affrontement violent avec le pouvoir. Il quitte mystérieusement l'Élysée... La dissolution de l'Assemblée nationale et l'annonce des élections coïncident avec l'amnistie de tous les fascistes OAS emprisonnés ou en exil. Organisée par le gouvernement et ses Comités de défense de la République, la manifestation gaulliste du 30 mai préfigure le résultat d'une campagne électorale basée exclusivement sur le chantage à la peur : 43,65% de voix pour les Gaullistes, 41,20% de voix pour la Gauche. Mais un système électoral injuste donne malgré tout la majorité absolue des députés (75%) au pouvoir. Ce résultat n'est qu'un répit. Mécontentement et opposition commencent à croître. Pour gagner du temps, on relance l'opération « en participation ». Avec la répression, c'est tout ce que la grande bourgeoisie peut proposer aux travailleurs !
Nous qui nous sommes battus en Mai pour nos revendications, permettrons-nous que nos acquis soient remis en cause ? La meilleure garantie de nos droits n'est-elle pas un Gouvernement populaire et d'Union démocratique ? Le mouvement de mai et juin est une étape irréversible dans la lutte du peuple français pour la conquête de sa dignité, de sa liberté, de sa prospérité. Constitution réactionnaire, assemblée au service du Grand Capital, n'ont pu éviter l'expression grandissante du mécontentement pendant dix ans et l'explosion de Mai. Rien n'est résolu. Quelles sont aujourd'hui nos possibilités d'action, unis sur les lieux de notre travail ou de notre vie quotidienne ? Quelles sont les questions qui se posent autour de nous dans cette société dite de consommation par une minorité ? Comment allons-nous travailler à l'élaboration du programme du gouvernement, de l'ensemble des forces démocratiques, de l'union de la classe ouvrière et de tous nos alliés autour de ce programme dont dépendent les changements profonds exprimés en mai et juin? »