Images de l''enregistrement de la dernière émission de Radio Franche, le 13 mars 1979. Radio Franche était une radio pirate créée par les grévistes de la Société Française de Production (organe issu de l'éclatement de l'ORTF).
Les premières années de la SFP sont marquées par des conflits très durs : dès sa création en 1974, les salariés se mettent en grève pour protester contre les 500 licenciements prévus. En 1978, les salariés sont en grève après l'annonce d'un "plan d'économies". En février 1979, ce plan se précise: il est question de 774 licenciements et de la vente des locaux. Les salariés engagent alors une grève massive le 22 février, avec occupation des locaux et constitution d'une radio libre, Radio Franche, qui émet "chaque soir à 19h30, sauf quand on est à la bourre!", précise le jingle.
Radio Franche entend être une voix discordante. Elle ne se contente pas de parler de la lutte à la SFP, et offre une tribune ouverte à tous les travailleurs en lutte, quel que soit leur domaine.
Sont ainsi abordés :
- l'annonce de la suspension de la grève, et donc la mise en sommeil - annoncée comme provisoire - de Radio Franche
- la visite d'enseignants en Arts Plastiques de Paris 1 est l'occasion d'évoquer la réforme des Université prévue par la ministre Alice Saunier-Seïté (qui commanditera plus tard la démolition de Paris 8 à Vincennes...), qui entend supprimer tous les postes de vacataires, ce qui menace la survie de nombreuses UFR.
- le soutien aux Chiliens : Radio Franche annonce la tenue d'une manifestation devant l'ambassade du Chili avec les familles des disparus, pour protester contre l'impunité de Pinochet, alors que de nouveaux charniers ont été découverts, preuve du massacre des opposants au coup d'Etat.
- la situation catastrophique du cinéma français : le réalisateur Christian de Chalonge témoigne des difficultés qu'il a eu à réaliser son dernier film, et évoque le drame d'un cinéma enferré dans une logique capitaliste de production de navets en série. Le réalisateur plaide pour un rapprochement des syndicats de la télévision et du cinéma, afin de proposer un front uni face à un patronat qui tente de diviser pour mieux régner.
- la marche des sidérurgistes lorrains à Paris
- la répression violente de la grève des ouvrières de l'usine Spiram à Toulouse, le 8 mars (journée des femmes).
Le ton est incisif : ainsi, dans la rubrique gastronomique, cette recette du soufflé : "Mettez plein de chômeurs et de technocrates, puis un grand clou de démantèlement et une pincée de privatisations. Battez un grand coup, il y a toujours des CRS pour ça. Laissez bien refroidir, d'ici trois ou quatre mois, dégustez pendant les vacances, c'est délicieux." Ou encore : " Radio Franche doit continuer à émettre tant que la victoire n'est pas acquise, tant que ce gouvernement pourri et ces technocrates en livrée continueront à fouler au pied la notion même de démocratie, refusant partout toute négociation."
L'émission s'achève par une annonce à quatre voix. La lutte doit continuer, jusqu'à obtention des revendications suivantes : aucun licenciement, et le maintien de l'outil de travail. Radio Franche a tenté au cours de ces semaines de lutte de faire entendre une voix discordante, "une petite voix un peu frêle comparée aux radios du fric et aux télés du pouvoir, d'autant plus que les camarades journalistes ont été d'une remarquable discrétion."
On notera pour finir la programmation musicale pour le moins originale :
- Bye Bye Baader, du groupe Pieds Joints (chanson hommage à Andreas Baader et à la Fraction Armée Rouge (RAF)
- Guitarra Enlunarada, de ....? (hommage à Victor Jara, chanteur et guitariste chilien torturé lors du coup d'Etat, en septembre 1973) dont les paroles sont traduites en direct par les animateurs.
- une chanson non identifiée sur les médias qui préfèrent parler de faits divers
- L'Hélicon de Boby Lapointe
- Cinoche à volonté de Jean-Claude Rémy
- Liberté Femme d'Hélène Martin
Parmi les grévistes de Radio Franche, on reconnaît deux figures du groupe Unicité : Lolita Godinez-Chérel et Marcel Trillat, qui filera ensuite à Longwy rejoindre l'aventure Lorraine Coeur d'acier, radio pirate fondée le 17 mars 1979 pour lutter contre le démantèlement de la sidérurgie en Lorraine.
Mots clés : radio libre, radio pirate, Saunier-Seïté Alice, licenciements
Lieux de consultation : Ciné-Archives
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Chanson Bye Bye Baader. Panoramique sur le studio. Les journalistes répètent avant le début de l'émission.
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L'émission commence. Jingle : "ici Radio Franche, ne quittez pas l'écoute, dans quelques instants, début de notre émission quotidienne. Chaque soir à 19h30, sauf quand on est à la bourre! Notre émetteur n'est pas très puissant, cherchez-nous. "
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Annonce de la suspension de la grève à la SFP. Radio Franche va se réorganiser pour continuer la lutte autrement. Chanson non identifiée.
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Visite d'enseignants en arts plastiques de Paris 1, en grève depuis 8 jours. Les grévistes proposent de s'échanger des services (faire tourner des films sur les grèves, imprimer des affiches...) "On pourrait vous donner une interview de deux journalistes qui vous expliqueront pourquoi on entend jamais parler des luttes à la télé!"
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Chanson L'Hélicon de Boby Lapointe, puis recette gastronomique : le soufflé.
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Manifestation devant l'ambassade du Chili en soutien aux familles des disparus chiliens. "Nous sommes à Radio Franche, de ceux qui ne se sont jamais consolés de l'écrasement en septembre 1973 de l’unité populaire qui regroupait toute la gauche chilienne et qui avait été légalement portée au pouvoir. Nous sommes de ceux que les bruits des chars et les cris des suppliciés empêchent de dormir. Alors, une fleur sur la tombe de Salvador Allende, sur celle de Victor Jara, le chanteur guitariste aux mains coupées, sur celle des dizaines de milliers de camarades antifascistes assassinés, et courage aux camarades chiliens." suivie de la chanson Guitarra Enlunarada, traduite en simultané.
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Jean-Michel Lacor (?) et Christian de Chalonge parlent de la situation catastrophique du cinéma français, entraîné à la ruine par des producteurs avides de navets rentables. L'un des intervenants dénonce l'absence d'aide directe de l'Etat au cinéma : le CNC fonctionne grâce à un impôt sur les billets de cinéma, mais aucune case du budget n'est prévue pour le cinéma. La conversation s'oriente ensuite sur la nécessaire union des techniciens et réalisateurs de la télévision et du cinéma : "Le pouvoir et la direction des chaines a fait un calcul très simple ; il faut diviser les salariés. Mes amis du cinéma devraient se rendre compte que licenciements (à la télévision) font que les travailleurs vont se retrouver au chomage et vont arriver sur le marché du cinéma, et comme ils vont êtres étranglés, ils vont céder aux propositions de travail à bas salaire, et ça va créer des tensions. Moi je voudrais plus de disucssions entre les deux formations, qu'on comprenne qu'on est tous dans le même sac." Séquence conclue par la chanson Cinoche à volonté.
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La marche des sidérurgistes lorrains à Paris. Puis le conflit à l'usine Spiram de Toulouse : les ouvrières ont voulu le 8 mars, journée des femmes, protester contre les conditions de travail intolérables. La répression policière a fait deux blessées. La séquence se clôt sur la chanson Liberté Femme d'Hélène Martin.
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Bilan de Radio Franche à l'issue d'un mois d'existence. Le mot de la fin : "Radio Franche rentre dans la clandestinité, alors auditeurs à vos cachettes!"
Chili - Confédération Française Démocratique du Travail - Confédération Générale du Travail - Giscard d’Estaing Valéry - Grève - Lorraine - Radiodiffusion (technique) - Trillat Marcel - Télévision (activité)