Expression directe avec Philippe Herzog du 12/12/1984
Philippe HERZOG, membre du Bureau politique et responsable de la section économique du PCF présente deux reportages montrant des cadres et des ouvriers luttant contre les licenciements.
La première entreprise est celle de Technip, société d'ingénierie. Plusieurs responsable syndicaux expliquent leur lutte contre les 760 licenciements programmés et des négociations en cours. Il s'agit de Jean-Baptiste MILLELLI, Michel ANSELIN, Gérard BARROUILHET et Serge GORON. Cet interview est illustré d'extraits de manifestations et d'assemblées générales des employés de cette entreprise.
Le deuxième témoignage est celui des ouvrières et ouvriers victimes de la restructuration des entreprises LTT, CIT, Thomson orchestrée par les groupes nationalisés CGE et Thomson qui en profitent pour supprimer un maximum d'activités et par conséquent un maximum d'emplois à Lannion et Dinard. Les ouvrières dont Odile Costard, déplorent que leurs propositions pour l’organisation de leur travail ne sont jamais prises en compte.
Au terme de l'émission, Philippe HERZOG en tire trois enseignements : il faut créer des emplois et ce qui s'y oppose ce sont les placements spéculatifs. Enfin, il faut que les travailleurs interviennent sur le terrain de la gestion dans l'entreprise.
L'émission « Expression Directe » est une case de programmation réservée à l'expression des partis politiques français sur les chaînes de la télévision publique. Chaque parti dispose de moyens et d'un budget attribués par l'Etat pour la préparation de ces émissions dont la réalisation lui appartient en propre. A l'origine, elles duraient en moyenne un quart d'heure et étaient diffusées aux heures de grande écoute.
Lieux de consultation : Ciné-Archives, Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, BNF, Forum des images
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Philippe Herzog, membre du Bureau politique : « Nous allons vous montrer deux reportages passionnants. Vous verrez des Français qui luttent contre les licenciements. Ils disent que licencier n'est pas moderniser. [insert carton : « Licencier n'est pas moderniser »] Ils ont raison, ils ont une expérience. Les industries dans lesquelles ils travaillent, l'ingénierie, l'électronique sont des industries qui servent à moderniser les entreprises. Or on y licencie, on y réduit l'activité. Les suppressions d'emploi sont un cancer pour l'économie nationale. Il faut s'attaquer à la maladie. Jugez plutôt.
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Documents filmés par le personnel de Technip. Manifestation contre les licenciements.
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Jean-Baptiste Milelli : « Technip qu'est-ce que c'est ? Première société d'ingénierie de France avec 2650 salariés, 50% de cadres, 30% de techniciens, 20% d'employés. Avec des établissements à Paris, Lyon, Saint-Nazaire et un secteur d'activités est extrêmement diversifié : le pétrole, la chimie, les plates-formes en mer, l'agro-alimentaire, le nucléaire, etc. C'est donc un secteur stratégique et essentiel pour la nation.
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Manifestation des Technip : « Licencier n'est pas moderniser » Banderole CFDT – CGT. -- Journaliste : « Technip c'est aussi une entreprise qui n'avait pas connu de problèmes de licenciements. Or d'un seul coup la direction annonce 760 licenciements. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »
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Michel Anselin : « C'est brutal effectivement. Il faut revenir un peu en arrière. Fin 83 la direction décide de faire un pari sur l'emploi et de maintenir le potentiel malgré la baisse des investissements. En février 84, elle achète Creusot-Loire Entreprise qui était l'engineering du groupe Creusot-Loire, un engineering de 1.000 personnes. En mai 84, le problème qui était posé depuis plusieurs années de l'augmentation substantielle des capitaux propres de Technip est posé et à ce moment-là les administrateurs de Technip ont conditionné l'apport de fonds propre, d'argent frais, à un plan de licenciement. »
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Assemblée générale des Technip « Premièrement en ce qui concerne ce qu'ils appellent les licenciements stricto sensu, les licenciements ne seront pas déposés lundi, ils seront déposés mardi ». Huées.
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Gérard Barrouillhet : « Nous avons d'abord tenté de négocier. C'est après l'échec des négociations pouvoir public – direction – syndicats que la grève, est devenue, la grève unitaire est devenue une nécessité absolue. Nous avons joué à fond la carte de la démocratie. La grève a été votée, collège par collège, elle était majoritaire.
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Manifestation, face à face avec les CRS. -- Voix Off : « Technip emploie 50% de cadres, eux aussi descendent dans la rue pour défendre l'emploi : « Oui à Technip, Non aux licenciements ».
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Journaliste : « Vous avez participé à certaines des actions. C'était sans doute la première fois » --
Femme : « Oui absolument. C'était la première fois où il y avait des luttes aussi sévères à Technip et je crois qu'elles ont été nécessaires ». -- Homme : « Il n'était pas question de nous laisser licencier aussi sauvagement sans réagir. N'étant pas syndiqué je suis quand même d'accord avec l'Union syndicale pour dire qu'il y a d'autres solutions qui existent, d'autres solutions que les licenciements. C'est ma conviction »
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Assemblée générale des Technip : « Il n'y aura pas de lettre recommandée de licenciement dans les jours qui viennent pour aucun et aucune d'entre vous. Il s'agit d'une très grande victoire ». Applaudissements.
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Serge Goron : « La direction a très sérieusement été ébranlée, notamment lors des réunions au niveau du ministère de l'Industrie ou du ministère du Travail ou à aucun moment la direction n'a pu présenter des arguments contre les propositions économiques des différents représentants du personnel. Le personnel a soutenu largement les propositions donc des différents syndicats et la chose qui est apparue très rapidement, c'est que Tehnip est arrivée à la casse de l'entreprise et que l'on ne pouvait moderniser qu'en s'attaquant au potentiel de l'entreprise. Nous se que nous voulons c'est négocier de tous les problèmes de fond, tant au niveau des pouvoirs publics qu'au niveau de la direction générale, c'est-à-dire à l'intérieur des Technip. Si la direction veut jeter les gens à la rue, eh bien elle aura à nouveau les personnels et les syndicats devant elle.
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« M. Suard a surtout insisté sur le déficit financier des LTT. Pour lui c'est 1 milliard 145 millions qu'il faut pour que la société puisse retrouver l'équilibre pour 1986. La moitié de cette somme est demandée à l'Etat, le reste serait apporté par la CGE et la Thomson »
Voix off : « Le Tregor a déjà payé cher le rapprochement CGE Thomson, mais ce n'est pas fini. Aujourd'hui 1300 travailleurs de la téléphonie sont menacés de licenciement."
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Journaliste : « LTT, CIT, Thomson, même combat. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ca veut dire que les problèmes sont les mêmes ? » -- Michèle Glaz, syndicaliste CGT : « Oui ça veut dire que les problèmes sont les mêmes. Ca veut dire que ces trois établissements, ces trois entreprises souffrent de la même politique qui est actuellement menée par les groupes nationalisés CGE et Thomson. Ca veut dire, actuellement il y a une restructuration au niveau de ces entreprises et les directions des entreprises et des groupes concernés en profitent pour supprimer un maximum d'activités pour se placer sur certains créneaux jugés bien plus rentables et dans le même temps supprimer aussi un maximum d'emplois. Et c'est ce que l'on vit actuellement dans le Trégor.
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Voix off : Les câbleries LTT de Lannion, de Conflans et de Dinard emploient 3400 salariés. C'est trop pour la CGE qui voudrait supprimer 1000 emplois. Le 6 décembre les travailleurs de la câblerie de Lannion occupent le centre de télécommunications par satellite le Radôme.
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Un ouvrier : « On occupe le Radôme aujourd'hui suite à l'annonce avant-hier, l'annonce officielle par la direction de la fermeture de la câblerie LTT Lannion et les travailleurs ici présent sont des travailleurs de la câblerie et n'acceptent pas cette fermeture qui est inadmissible, et en même temps on apprend que le personnel de Dinard devra travailler le week-end, c'est-à-dire le samedi et le dimanche. C'est-à-dire qu'on va faire travailler certaines personnes deux fois plus pendant que les autres seront au chômage. Alors si c'est ça la modernisation, nous disons non nous ne voulons pas de cette modernisation là. -- Journaliste : « Avez-vous l'impression qu'un véritable dialogue est entamé avec la direction ? -- Ouvrier : « Actuellement on peut dire que c'est un dialogue de sourd et c'est bien pour ça qu'on est là. -- Journaliste : « Et au niveau des pouvoirs publics ? » -- Ouvrier : « Ben au niveau des pouvoirs publics on cherche soi-disant des solutions industrielles et dans le même temps on casse. Alors il faudrait savoir. Si c'est pour nous annoncer dans deux mois nous avons trouvé des solutions, si pendant ce temps-là la moitié du personnel a disparu, on peut toujours parler de solutions mais quelles solutions ? De celles-là non plus on n'en veut pas.
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Manifestation. -- Journaliste : « Est-ce que vous avez des propositions concrètes à faire dans la gestion et l'organisation du travail ? -- Odile COSTARD, une ouvrière : « Oui dans les ateliers, on voit bien les ouvrières, elles ont envie, parce que c'est elles qui sont sur les postes de travail et elles aimeraient bien elles pouvoir mieux organiser ou mieux gérer à tous niveaux. On demande à améliorer certains postes pour pouvoir travailler dans de meilleures conditions mais jamais, jamais, ce n'est pris en compte." -- Une autre ouvrière : « On est les pions qu'on trimbale sur un échiquier et je crois même qu'on voudrait maintenant nous mettre hors du jeu »
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« La direction ne fait aucune proposition industrielle nouvelle » -- « Alors nous on a des propositions nouvelles à faire. On dit qu'il y a des investissements industriels indispensables actuellement si on veut que l'entreprise soit réellement compétitive et efficace. Ca peut être dans le domaine du micro-assemblage, je ne vais pas aller dans les détails techniques, mais il faut savoir que la vidéo-communication, on en parle beaucoup. Actuellement LTT est sur le marché, elle a été retenue par le gouvernement pour le programme de réseau câblé et qu'il n'y a aucun investissement qui a été effectué dans l'entreprise. Il y a actuellement 5 personnes sur Lannion, qui étudient l'industrialisation de la fabrication des équipements de réseaux câblés. C'est tout. C'est grave, là c'est notre avenir qui est en jeu. Aucun risque industriel n'est pris »
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Journaliste: « Philippe Herzog, quels enseignements peut-on tirer de ces témoignages ? » -- Philippe Herzog : « Trois enseignements : Le premier est que partout il faut faire des propositions pour créer des emplois. La meilleure défense c'est la contre-attaque. Pour réussir la modernisation il faut développer l'emploi et la création de richesses. Par exemple, à Technip créer des emplois pour moderniser les industries agro-alimentaires et les industries de base. Dans le Trégor, créer des emplois pour le câblage optique pour les télécommunications du tiers-monde, pour les communications des entreprises françaises. Le deuxième enseignement est qu'est-ce qui s'oppose à ça ? La recherche du profit, les critères financiers. On licencie pour faire de l'argent dans des placements spéculatifs. C'est ce que font par exemple Thomson et CIT dont il est question dans le film. Ils mettent de l'argent de côté pour faire des placements spéculatifs qui rapportent gros et en même temps ils affichent des déficits pour licencier. A l'échelle du pays les profits ont augmenté de plus de 50% pour les sociétés en deux ans et jamais les licenciements n'ont été aussi importants. Le troisième enseignement vous concerne vous tous ouvriers, employés, cadres, ingénieurs et techniciens : il faut vous rapprocher pour élaborer ces propositions et pour les faire gagner. Il faut intervenir sur le terrain de la gestion. Vous êtes capables de faire changer les gestions des entreprises et des banques et la politique économique du pays. Cela dépend de vous. C'est cela le nouveau rassemblement populaire que propose les communistes. »
Conflit social - Grève - Herzog Philippe - Syndicalisme - Thésaurus