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ARBRORIGÈNES (LES)
  • ARBRORIGÈNES (LES)
    • Genre
    • Documentaire
    • Année
    • 1984
    • Coloration
    • Couleur
    • Son
    • Sonore
    • Durée
    • 00:48:00
    • Réalisateur
    • Claude THIÉBAUT
    • Format original
    • 1 Pouce A
  • Les principales étapes de la réalisation d'une œuvre commune à l'artiste Ernest Pignon-Ernest et au scientifique Claude Gudin : « les Arborigènes », des sculptures de forme humaine qui « vivent » comme des végétaux.
    Les deux hommes sont filmés au travail, depuis le moulage des corps jusqu'à leur installation dans une forêt de la région parisienne.


    EXTRAIT DES DIALOGUES
    1. Nuit. Torches qui brûlent. Le hurlement des loups.
    2. Jour. Panoramique dans une forêt. Le pépiement des oiseaux. Dialogue off.
    PIGNON. Les animaux mangent les plantes. Nous, on mange les animaux.
    GUDIN. Oui, c'est là justement qu'est l'aspect fondamental de la photosynthèse et de la vie végétale. Je crois qu'on est toujours plus ou moins raciste vis-à-vis des plantes.
    3. Les mêmes, assis derrière des roseaux, torses nus.
    PIGNON.
    Moi, ce que j'ai pensé, c'est qu'au fond, même si on ne le sait pas, c'est comme ça inconsciemment dans la tête, ce côté vital.
    GUDIN.
    C'est vrai. Mais c'est peut-être un comportement d'animal justement, qui dépend d'une vie strictement végétale, et qui refuse de l'admettre... Que les plantes s'arrêtent de faire de la photosynthèse, et il n'y a plus rien. Tout s'arrête. C'est vraiment le phénomène absolument fondamental. Sans photosynthèse, sans lumière, plus de vie, toute la chaîne s'arrête.
    4. Dans un atelier d'artiste [à Calais], une jeune femme [Nathalie] est nue accrochée à un poteau, en position d'élévation. On est en train de la mouler au plâtre.
    LE MOULEUR
    Tu bouges pas!... Le doigt! le doigt!...
    (Pignon plante un clou dans le poteau entre les doigts de Nathalie)
    LE MOULEUR
    Attends! bouge pas... T'en mets entre les deux doigts... Evite les vibrations... Bouge pas tes fesses... Chut! t'as pas le droit de parler... Si tu casses ça!... Bouge pas, je te protège la figure...
    NATHALIE
    J'ai les mains toutes mouillées! Tiens bien mon bras pour pas qu'il tombe.
    PIGNON
    Elle a bougé?...
    NATHALIE
    Non, c'est Ernest qui...
    LE MOULEUR
    Ne bougez surtout plus! c'est le moment du plâtre pris... La faites pas bouger!...
    NATHALIE (pleurant)
    Ah! putain!...
    PIGNON
    T'en as encore beaucoup?...
    NATHALIE (riant)
    J'ai le sein chaud!...
    (Rire général).
    5. Même décor. Nathalie étendue. Moulage de son visage.
    LE MOULEUR
    T'as plus le droit de parler maintenant! c'est terminé... De toutes façons, si ça te coule dans le nez, je te le rectifierai... C'est pas grave.
    (Nathalie essaye de dire quelque chose).
    LE MOULEUR
    Ne parle pas!... Bon! tu arrêtes de déglutir!... Ne bouges surtout pas tes yeux!... C'est bon... Déglutis le moins possible!...
    (A Pignon) Passe-moi le crayon... Oui, laisse, ça va.
    (A Nathalie)
    Nathalie, maintenant c'est terminé; le plâtre, en-dessous, durcit. Celui que j'ai remis en surface, c'est pas grave, hein!... Tu me diras quand ça sera trés chaud! c'est tout, hein! tu feras signe.
    (Nathalie agite le bras)
    Non, ça fume pas encore, hein!... Le plus gros est fait! tu t'es bien tenue! c'est rien!...
    PIGNON
    On est à la fin, là?...
    LE MOULEUR
    Comment?
    PIGNON
    C'est la fin, vraiment...
    LE MOULEUR
    Oui, oui, c'est la fin.
    (Nathalie écrit sur une planche: «Cà se décolle»...)
    PIGNON
    Elle dit que ça se décolle.
    6. Pignon, dans son atelier à Soisy, à sa table de travail. Il écrit. Il est entouré d'esquisses des «Arbrorigènes». Voix off de Pignon lisant la lettre qu'il est entrain d'écrire. Alternance de plans de Pignon et de plans illustratifs de son discours.
    PIGNON
    Mon cher Claude, j'avais commencé par un travail de modelage et de sculpture, mais l'on y sentait trop l'expression, la forme, la patte de l'artiste... alors que, tu le sais, je voudrais que le c1/2ur poétique de cette histoire soit surtout dans ce miracle, pas visible, qu'est la photosynthèse.
    (panoramique dans la forêt).
    C'est pour cette raison fondamentale que j'ai cru plus juste de commencer à partir d'un moulage de corps. Après avoir travaillé plusieurs jours sur ces moulages, je me rends compte aujourd'hui que je dois les abandonner et, paradoxalement, à cause de leur qualité. Ces moulages ont une espèce de fidélité, de précision naturaliste trop forte. On y perçoit la chair...
    (la hanche de Nathalie qui tressaille; Nathalie encordée au poteau)
    ... j'allais dire la viande, son poids, presque, dans chaque membre, dans chaque courbe. D'ailleurs, il ne s'agit pas seulement d'éliminer les détails naturalistes, de gommer de l'anatomique, mais aussi et surtout de se dégager du réalisme des gestes et des attitudes.
    (panoramique sur les esquisses)
    Il ne s'agit pas de faire des personnages qui grimpent "naturalistement", mais plutôt de donner l'idée d'osmose avec le végétal, d'un enlacement, comme un raccordement des courbes et des tensions des corps à celles des arbres.
    (il mange une tomate)
    Remontent à ma mémoire et à mes mains mes anciens travaux sur les résurrections et les élévations du Gréco. Sur ce, j'ai appris l'existence d'un nouveau système de moulage dont le principe est totalement différent.
    (dans une sorte de cabine de douche, un modèle masculin, nu. Pignon indique la pose, en élévation)
    Le modèle est dans une espèce de cabine et un liquide monte le long de son corps et le saisit d'un seul coup. Le mouvement vertical du produit, et la rapidité de l'opération me semble mieux convenir à ce que je cherche à saisir de ces corps... comme s'il y avait une adéquation entre cette technique et notre projet. Le hasard s'y met aussi: figure-toi que le produit en question est un alginate. Nous aurons donc, du début à la fin du projet, cette présence des algues ancestrales, et ça me plaît bien.
    A propos des algues et de la mer, je vais changer de modèle féminin. Nathalie - c'est le modèle de Calais - a quelques problèmes pour venir à Paris et j'ai pensé à Nadya, rencontrée l'année dernière à Hyères, quand je peignais «Pierrot le fou».
    (Nadya en pose).
    Elle a quelque chose de plus antique, dans le visage surtout, d'énergie dans les épaules, le dos, d'architecture dans les hanches. On la dirait sortie de la Méditerranée.
    (Il téléphone).
    Voilà!... Tu crois que c'est clair?... Ça dit quelque chose?... C'est moteur poétique... Ah! non, tu as raison, j'ai finalement mis c1/2ur poétique. Ben, écoute, je vais voir, je vais voir...Ça te gêne, ça... Ben, écoute, je vais essayer de rectifier ça. Je te remercie de tes conseils. A bientôt. Au revoir. Merci

    Autre consultation : ADAV.
    Il existe une version courte 13min
    Titre propre : Les Arborigènes, sculptures végétales
    Production : Zoobabel

    Cette installation d'Ernest Pigno-Ernest a été créée pour le festival d'Uzeste fondé par Bernard Lubat, en Gironde.


    Lieux de consultation : BNF, Images de la Culture
  • Calais (62) - Sculpture (art)